Ingrid Desjours


Vous avez certainement remarqué que l'un de mes derniers coups de cœur est Écho d'Ingrid Desj
ours. Une réelle surprise que je n'attendais pas. Le quatrième de couverture augurait un énième thriller et à la lecture, on est surpris par la subtilité des personnages.
Donc, j'ai voulu discuter un peu avec l'auteur. En voici le résultat!


Bonjour Ingrid, Écho est votre premier roman. Nous ne vous connaissons pas. Pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour Fabien,
Je suis une psy qui aime raconter des histoires...

Pourquoi, ou comment, en être arrivé à écrire un roman ?
Par hasard, envie, besoin... J'ai toujours aimé écrire : c'est un mode d'expression qui me permet à la fois de puiser en moi, d'exorciser quelques démons et d'accéder à une euphorie unique. J'aime aussi partager idées, sentiments, connaissance... et quel meilleur vecteur qu'une histoire, un peu d'encre et de papier ?

Dans ce roman, vous baladez les lecteurs en bousculant les a priori et les idées reçues. Notamment par rapport à l‘identité du tueur. Avez-vous voulu remettre les pendules à l’heure avec ses poncifs justement ?
Disons que j'aime aller au-delà des apparences, souvent trompeuses, et que j'abhorre le manichéisme. Les personnages d'Écho sont tout en nuances et en paradoxes. Tout sauf lisses. Et c'est précisément ce qui les rend crédibles, attachants ou répugnants, mais résolument humains.

Sur le plan littéraire littéraire, de nombreux auteurs s’essaient au thriller avec l’intervention d’un profiler ou d’un consultant psychologique, quel que soit le nom. Que pensez-vous de cette mode ? Déforme-t-elle la réalité ? Quelle est cette réalité justement ?
Je comprends l'intérêt, la fascination que suscite cette profession, en prise directe avec un univers à la fois effrayant et intriguant, et dont au final on sait peu de choses, au point d'imaginer que pour la pratiquer il faut avoir des dons paranormaux... d'où sûrement cette recrudescence de «héros profilers». On a besoin de comprendre pourquoi, comment, certains individus commettent l'inconcevable. Pour s'assurer peut-être qu'on est à l'abri et se rassurer aussi quant à ses propres déviances...
La réalité est donc souvent « arrangée », certes... mais le but du roman n'est pas de livrer la vérité toute nue (les thèses et les essais sont là pour ça !) A vouloir être trop réaliste on vole au lecteur son droit au rêve et sa part d'imagination... Et on court le risque de devenir terriblement ennuyeux !
Le travail de « profiler » -mais parlons plutôt de psycho-criminologue puisque nous sommes en France - est en réalité un travail de fourmi, qui demande patience et persévérance.
Il s'agit de considérer à la fois le « mode opératoire » du criminel, mais aussi de s'intéresser à la victime elle-même. Plus on la connaît, plus on en apprend sur la personne qu'elle était, le type de relations qu'elle entretenait, les lieux qu'elle fréquentait, et plus on peut élaborer d'hypothèses proches de la réalité, faire un lien entre elle et son agresseur. De même, lors d'expertises psychologiques, on cherche une adéquation entre le profil d'un suspect et celui du coupable... mais le profilage reste un outil parmi d'autres lors de l'enquête.

Le profilage existe aux États-Unis, et ce même si c’est dans des proportions moindres que dans l’imagination de certains auteurs. Mais en France, et dans notre vieille Europe en général, cette méthode d’investigation n’émerge pas. Comment l’expliquez-vous ?
Tout d'abord, il est bon de prendre conscience du travail incroyable que font les différents services de police, de la balistique à l'analyse ADN, en passant par l'entomologie, l'ondotologie, l'analyse des fibres... Ce qui suffit très souvent à remonter jusqu'au criminel. J'ignore si la police américaine fait véritablement plus appel à des psys lorsqu'elle peine à élucider une affaire, ou si Hollywood ne biaise pas quelque peu notre perception de la chose ;o)

Pour revenir à votre roman, on suit l’enquête d’un crime assez gore tout de même. Et, tout au long du livre, on a l’impression d’assister au procès des victimes. Douce ironie puisque leur émission était une pale copie de tribunal. De la même façon, une certaine aigreur nous domine par rapport au milieu de la télévision telle que vous nous le décrivez. Est-ce le reflet de votre ressenti vis-à-vis de ce milieu ?
Disons que j'ai pensé que ce milieu, qui mise beaucoup sur les apparences, brasse énormément d'argent, et enivre vite ses acteurs serait le terrain idéal pour un roman parlant de narcissisme, de masques et de jeux de pouvoir ! Ceci étant, il y a un an, j'ai eu l'opportunité d'être invitée dans une émission où les présentateurs étaient parfaitement sains, accessibles et humains!

Le personnage de Garance Hermosa est un personnage fort et ambigu. Même si tout n’est pas dit, on sent très bien que ses origines sont complexes. En saurons-nous plus un jour ?
Comme vous le dites très bien, Garance porte un masque pour faire tomber celui des autres... ceci étant, un masque ça devient vite pesant. Il n'est donc pas impossible que je le déchire un peu dans le prochain roman. Mais Garance n'est pas un personnage évident, qui se dévoile facilement, donc on va éviter de la brusquer et procéder par petites touches ;-)

Un premier roman très bien écrit et surprenant. Vous montrez votre savoir-faire dès le début. Mais vous nous donnez envie de connaître ces personnages encore un peu plus. Ce sont des personnages récurrents ? Si non, quelle sera la suite de nos lectures de votre part?
Merci ! Et je vous rassure, je me suis moi aussi tellement attachée à eux que je ne suis pas prête de les lâcher ! On retrouvera donc Garance et Patrik dans le prochain... mais ils seront un peu différents :-)
Finalement, parce que les auteurs sont aussi des lecteurs, quel est pour vous l’art de lire ?
Je répondrai par une citation de Daniel Pennac qui sied parfaitement à votre site... elle est tirée de « Comme un roman » :
" Le verbe lire ne supporte pas l'impératif. Aversion qu'il partage avec quelques autres : le verbe " aimer "... le verbe " rêver "... On peut toujours essayer, bien sûr. Allez-y : " Aime-moi ! " " Rêve ! " " Lis ! " " Lis ! Mais lis donc, bon sang, je t'ordonne de lire! »
" -Monte dans ta chambre et lis !
Résultat ?
Néant. "

Voilà... pour moi l'art de lire c'est comme celui de rêver, comme s'autoriser à tomber amoureux. La lecture est une rencontre, entre l'auteur et le lecteur, un peu... entre des idées, des rêves, des émotions encore plus. Rencontre pour laquelle il faut être prêt, mais qu'on ne commande pas... comme une petite part de magie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Un superbe premier roman en effet dont je suis tout de suite tombé amoureux.
A lire sans modération et sans délai.