Karine Giebel - Juste une ombre

Karine Giebel s'est fait un nom dans le petit monde du polar français. Elle fait partie de cette nouvelle génération de femme qui n'hésite pas à mettre les mains dans le cambouis, et à prendre le lecteur à contre-pied. On sort du schéma (certes appréciable en tant que lecteur) Higggins-Clark ou Andréa Japp. Et dans cette mouvance, Karine a réussi à creuser sa place roman après roman. Elle s'est installée et n'est pas prête à partir. Et avec ce dernier roman, elle raffermit encore un plus son assise.
 Elle nous conte l'histoire de deux personnages: Cloé et Alexandre.
La première est une femme qui a réussi sa vie professionnelle. L'arrogance de cette réussite se dispute à son arrogance naturelle. Si vous êtes en-dessous d'elle, elle vous le fait sentir. Mais cette armure cache une petite fille qui a vécu des drames: un accident grave avec sa petite soeur, et un ex-mari violent entres autres. Mais elle considère qu'elle a dépassé tout cela et sans rien redevoir à personne. Elle s'est construite seule. Mais une Ombre commence à la suivre, à la harceler. Personne ne la croit, et tous la pensent folle. Après tout, on a déjà vu des  personnes plus équilibrées perdre les pédales à cause du stress professionnel. Et elle n'arrête pas. Pourtant, il y a bien quelqu'un... Mais quel est son objectif?...
Le second est flic. Il a fait de sa vie une mission: nettoyer sa ville des trafiquants et autres proxénètes. Alexandre fait mener la vie dure à ses hommes mais ils lui en veulent pas. Il sait toujours les complimenter lorsqu'ils ont fait du beau boulot. Un sourire suffit. Pour lui, montrer ses sentiments aux autres est une faiblesse. Alors, personne ne sait que son épouse est alité dans leur appartement transformé en chambre d'hôpital. Il subit mais il veut que nul ne s'en doute. Mais lorsque son épouse disparaît, il est désemparé. Il ne sait plus quoi faire. Plus d'objectif. Mais il croise Cloé au commissariat. Et pour une raison qui lui échappe, il s'intéresse à son histoire. Il la croit, mais il n'est peut-être pas le meilleur conseil en matière d'équilibre...

Ces deux personnages ont tout pour se détester. Mais une alchimie se crée tout de suite. Et c'est la force de Karine Giebel, elle arrive à rendre attachants des personnages qui ont tout pour être détesté des lecteurs. Je peux vous assurer que si vous croisez un personnage comme ces deux-là, ils seront pas forcément de prime abord, votre meilleur ami. Mais là, à travers les pages (que vous dévorerez au passage), vous vous attachez à eux et à leur faiblesse. Leur rencontre mutuelle vous rassure parce que vous comprenez vite qu'ils vont pouvoir compter l'un sur l'autre. Vous souffrez avec eux, vous vous sentez bien avec eux, vous êtes inquiets pour eux et avec eux.
L'intelligence de l'auteur est aussi d'être libre. Ce sont ses personnages, et elle en fait ce qu'elle veut. Nous nous sommes pas à Hollywood et l'happy-end pour tous n'est pas une règle. Les personnages, principaux ou secondaires, ne sont à l'abri de rien. Elle est totalement décomplexée de ce point de vue-là. Et ce pour le plus grand bonheur des lecteurs. En effet, lorsque vous remarquez ce fait, chaque page que l'on tourne est une surprise en soi. Une vraie réussite. Avec ce roman, vous rappellerez que la vie n'est qu'une succession de plage grise.
Après Les Cicatrices de Jac Barron, ce roman est encore une grosse claque qui me confirme mon envie de lire des auteurs français. Faites comme moi, et ne loupez pas ce roman-ci !

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