Un couple sur la côte sauvage du Morbihan, coin superbe, surtout en ce qui concerne la falaise. Ce couple est heureux. Lui, ancien coureur de jupons, et elle jeune héritière et célèbre mannequin. Des photos souvenirs, un serpent, une falaise abrupte, une chute et un témoin oculaire. Les éléments sont en place pour une pièce de théâtre à personnages variables.
Pourquoi à personnages variables?... Parce que la construction de ce roman policier, à l'intrigue de prime abord classique, est très originale. On change de point de vue à chaque chapitre. Et la découpe est en fonction du déroulement de l'enquête etc. Ainsi, Le crime-accident est vu de trois façons différentes (la victime, le conjoint-meurtrier selon les versions, et le témoin oculaire) et les différentes parties sont le fait divers, l'enquête, le procès et l'après-procès. Le tout donne une approche très didactique et simple de l'histoire. mais également très forte. En effet, on s'amuse à confronter les différents points de vue et versions. Et on sait dès le début qui ment, et qui dit la vérité. On sait dès le début s'il s'agit d'un crime ou d'un accident. Mais la vérité est parfois plus retorse que le mensonge. Le côté pièce de théâtre de ce roman existe par le fait que chaque personnage est vivant par lui-même. Je m'explique : chaque personnage a sa propre histoire et il n'existe pas de personnage principal. L'originalité de la découpe étant ce qu'elle est, chaque protagoniste de ce drame se retrouve en première place à son tour. Le risque est alors double avec un tel schéma : la répétition, et le développement inégal des personnages. Jean-Jacques Égron ne tombe dans aucun de ces deux écueils. Le risque de répétition des scènes réécrites parce que vues par plusieurs personnages est évité de très loin. En effet, chaque vision apporte un élément et complète le tableau pour donner une œuvre totale et cohérente. Quant au second piège des personnages, chacun est mis en valeur par ses défauts, ses démons et ses qualités qui éclatent au moment où on ne s'y attend pas. Ainsi, le témoin oculaire (mon personnage préféré) prend une teinte différente tout au long du roman. Et puis, pièce de théâtre pour le coup de théâtre au centre du roman, qui relance la machine. Et le final qui donne une toute autre vision à l'ensemble.
Donc, ce roman est véritablement une agréable surprise. De facture classique dans un premier temps, il s'enjolive tout au long de la lecture. L'auteur arrive à nous mener en bateau sans en avoir l'air.
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