La Tengo

Stéphane Michaka et Alexandre Chabert, directeur adjoint de La Tengo, ont accepté de répondre à quelques questions. Voici nos mots échangés. 
Tout d'abord, je vous invite à lire les questions posés à l'auteur du dernier Mona Cabriole en date, Stéphane Michalka
1.Tu n'es pas né avec Mona Cabriole, alors parle-nous un peu de toi. De ton parcours, de ton arrivée à La Tengo.
J’ai d’abord écrit pour le théâtre et pour la radio. Je ne me destinais pas au roman. Jusqu’à ce que François Guérif, le directeur de la collection Rivages/Noir, me suggère d’écrire un roman à partir de ma pièce policière La Fille de Carnegie. C’est en écrivant ce livre que je me suis découvert romancier. Suite à la parution de La Fille de Carnegie chez Rivages, on m’a proposé d’écrire un Mona Cabriole.

2.Tu écris après plusieurs styles et auteurs différents (et avant d'autres). Ce passage de témoin n'est-il pas difficile à gérer?
Au contraire. Il y a à la fois une émulation entre les auteurs et une complicité : j’ai écrit Elvis sur Seine après que Marin Ledun, qui a signé un Mona Cabriole, m’ait parlé de cette collection. Pendant l’écriture, j’ai fait des repérages avec Marie Vindy, auteure du prochain opus situé dans le 11e. Pouvoir parler du personnage de Mona, de son univers et de sa trajectoire, avec des romanciers qui sont aussi des amis est plutôt une chance.

3. Antoine Chaînas me disait que la bible du personnage était peu restrictive. Est-ce qu'elle s'étoffe après chaque roman? Est-ce qu'on se sent obligé de lire et prendre en compte les précédents?
Le cahier des charges laisse en effet une grande liberté aux auteurs. Et Mona Cabriole n’est pas une série télé, même si elle pourrait le devenir : contrairement aux scénaristes d’une série, les écrivains investissent le personnage de leurs propres préoccupations. C’est inévitable et même heureux. En lisant les opus précédents, j’ai eu envie de traiter la Mona journaliste, la jeune reporter qui se pose des questions sur son métier, sa déontologie. Cela n’avait pas été fait et la « bible » reste discrète sur cet aspect. Ce qui me laissait d’autant plus de liberté.

4.Le risque d'écrire dans une série comme celle-ci est d'être perdu dans la pluralité d'auteur. Pourquoi avoir accepté ce pari ?
Pour les raisons mentionnées plus haut : on partage un personnage avec d’autres écrivains, et on joue, on s’amuse à contourner ou à subvertir les figures imposées. Je n’aurais jamais situé des scènes d’action à la Tour Eiffel ou au Musée de l’Armée si Mona ne m’y avait entraîné à toute bringue avec son scooter. Au final, tout le monde y trouve son compte. Et les lecteurs qui apprécient Mona peuvent la découvrir sous différentes facettes au gré des parutions.

5. Attention spoiler
Elvis n'est pas mort. C'est un rêve?
Quand on interroge les fans d’Elvis, les purs et durs qui sont hantés par le King, ils vous disent : « Bien sûr qu’il est vivant. Puisqu’on l’écoute toujours. » C’est ce qui est fascinant avec les icônes rock. Elles vivent dans l’imaginaire de ceux qui les écoutent. La plupart des chansons d’Elvis All Shook Up par exemple, ou bien Stuck on You, ou Jailhouse Rock, pour citer mes préférées ont la même fraîcheur aujourd’hui qu’il y a 50 ans. Comme le dit un LP du King : « Cinquante millions de fans ne peuvent pas se tromper ! »

6.Quels sont tes projets?
Poursuivre mon exploration de Paris à travers le polar. Peut-être en voyageant dans le temps, dans le passé. Le passé est très présent à Paris. Il n’est même pas passé, comme disait je ne sais plus qui…



Bonjour Alexandre,
1. Comment est né ce brin de jeune femme sur scooter?
Son père est Frédéric Houdaille, le directeur fondateur des Editions La Tengo qui l'a imaginée ou plutôt... fantasmée. L'idée était de proposer un personnage qui soit le négatif des héros récurrents des romans policiers, dont l'idéal type pourrait être Colombo, c'est-à-dire des perso plutôt âgés, qui ne quittent pas leur imperméable et qui ont réponse à tout. Mona est au contraire une jeune femme des années 2000, et une journaliste, et donc avant tout un témoin des bassesses de ce monde. A ce titre, l'opus d'Alex D. Jestaire Elysée Noire 666 est intéressant parce que Mona y incarne une sorte d'anti-héroïne, complètement déroutée par le cours des événements dans une ambiance apocalyptique.

2.Vous en êtes quasi à la moitié de la série,vous soufflez un peu? Ou au contraire, la pression grandit-elle à chaque sortie?
Mona a ses fidèles. Mais il nous faut aussi les surprendre à chaque nouvel opus pour ne pas tomber dans une certaine routine. Il est dit que l'amour ne dure que trois ans - l'âge de la collection -, nous voulons prouver le contraire. L'un des paris de cette collection de polars rock était de proposer à des musiciens d'y participer. Le succès du roman de Joseph d'Anvers, « La Nuit ne viendra jamais », nous a confirmé l'idée qu'il pouvait être intéressant de décloisonner les genres et de proposer une littérature marquée par certaine transversalité artistique.


3. Quelles sont les surprises qui nous attendent au niveau auteurs et histoires avec les prochain tomes?
Le prochain titre « Onzième Parano » est signé Marie Vindy. Dans ce roman, Mona est embauchée par un avocat, dont le client, Baze Winkler, le chanteur de Surface Noise, est accusé du meurtre d’une jeune fille de 20 ans qu'on a retrouvée dans son lit. C'est un polar à plusieurs pistes vraiment très prenant. Rendez-vous le 6 avril prochain.


4.De façon générale, parlez-nous un peu de l'histoire de La Tengo. Pourquoi as-tu et envie de créer une structure indépendante?
Nous avons commencé de façon très modeste avec cette collection de polars rock dans Paris en faisant du dépôt-vente dans une cinquantaine de librairies parisiennes et en travaillant avec une trentaine de FNAC. Le projet a intéressé des auteurs, des libraires, la presse et surtout un diffuseur, CED, avec lequel nous avons travaillé deux ans. Depuis janvier 2011, Flammarion s'occupe de la diffusion de nos livres et leur offre davantage de visibilité. Cette progression rapide nous permet aujourd'hui d'ouvrir certaines portes plus facilement qu'il n'y a pas si longtemps.

5.Outre Mona Cabriole,quels sont les projets?
Nous avons sorti le mois dernier un premier roman, Paris la nuit écrit par Jérémie Guez, un auteur de 23 ans. C'est le premier titre d'une trilogie qui met en scène la déchéance de personnages un peu bâtards, aussi salauds qu'attachants. Jérémie Guez a beaucoup de talent et j'ose croire qu'on relira son premier roman dans quelques années.

Nous venons de lancer également une nouvelle collection de polars tirés de pièces radiophoniques diffusées par France Culture. « Fractale » de Marin Ledun sort ce mois-ci. C'est l'histoire de six employés qui se retrouvent au troisième sous-sol de leur entreprise pour soi-disant un exercice de sécurité. Sauf que lorsque les portes de l'ascenseur se referment derrière eux, ils réalisent qu'ils n'ont aucun moyen de remonter. C'est un court texte très angoissant, et qui parle aussi du monde de l'entreprise tel que tout salarié a souvent le malheur de connaître.

Nous publierons également dans cette même collection en mai "Nouveau monde INC." où Caryl Férey, l'auteur de Zulu, imagine le réveil d'une jeune femme qui découvre tel le Candide de Voltaire un nouveau monde, où les gens inutiles sont en prison, où la mer est une poubelle... Un monde pas si éloigné du nôtre finalement.


6.À quand une rencontre entre Mona Cabriole et Le Poulpe?
C'est aux auteurs de le décider. Plusieurs d'entre eux ont écrit pour les deux collections : Marin Ledun, Laurence Biberfeld et Antoine Chainas, mais aucun d'entre eux n'a encore osé le choc des cultures.

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