Patrick Bauwen

Alors qu'elle a été publiée un peu vite dans la précipitation au moment de mon problème d'ordinateur, je remets en avant cette interview qu'un auteur de talent m'avait accordée, Patrick Bauwen. J'en profite pour vous signaler que Monster a été récompensé du prix de la maison de la presse. Félicitations Patrick ;-)

Patrick Bauwen, rédacteur au sein de Casus Beli. Patrick Bauwen, médecin urgentiste. Et Patrick Bauwen auteur. Qui est vraiment Patrick Bauwen?
Les trois ! Casus Belli a été une véritable école d’écriture de scénarios, et mon métier de médecin urgentiste constitue ma principale source d’inspiration sur les plans humain et scientifique. L’imagination et l’émotion avaient besoin de s’exprimer, l’écriture a été le meilleur moyen.

Avec Lanfeust de Troy, il s'agit de travailler dans un univers déjà existant, avec des personnages créés par d'autres. Quelle est alors la marge de manoeuvre?
Elle est réduite, forcément, dès lors qu’il s’agit simplement de « rallonger » une histoire déjà écrite. Mais elle nous a permis de bien nous amuser.

Finalement, vous vous êtes tournés vers le thriller. Justement, il n'est pas rare de trouver ce terme aujourd'hui à toutes les sauces. Qu'est-ce qu'un thriller pour vous?
C’est l’histoire d’un personnage apparemment ordinaire entraîné dans une aventure extraordinaire. Il ne s’agit pas de l’enquête d’un policier ou d’un détective. Les rebondissements sont réguliers, l’ambiance tendue, et les chutes surprenantes.

Vous avez donc commencé dans l'univers des jeux de rôles, puis la novellisation de Lanfeust. Des domaines qui se rapprochent de la Fantasy. Pourquoi alors avoir choisi le domaine du thriller?
L’âge aidant, je ressens le besoin de raconter des histoires plus proches de moi. Le quotidien, la famille, le travail, la médecine, l’actualité sont au centre de mes préoccupations. La Fantasy pure ne permettait pas cette expression. Mais je récupère un peu de « magie » en décalant mes histoires vers des territoires hauts en couleurs, comme les Etats-Unis. Là-bas, je peux placer des personnages à l’apparence et aux mœurs décalées, à la limite du fantastique qui a bercé mon enfance.


En 2006, vous arrivez en jetant un pavé dans la mare avec l'œil de Caine. Une émission de télé-réalité qui dérape de façon sanglante. Un choix délibéré de fustiger ainsi la télé-réalité et ses abus?
Je suis simplement parti d’un terrain connu – la télé-réalité et ses excès – pour entraîner le lecteur quelques pas plus loin. Un accident semblable à celui qui se produit dans le roman pourrait arriver n’importe quand…

Vous choisissez la voie du wodunit (=Un groupe de personne dont les membres disparaissent un par un) qui est un exercice un peu délaissé. Quel plaisir d'auteur y avez-vous vu?
Le thème est directement inspiré de mes premiers frissons d’adolescent. Une époque que l’on n’oublie jamais. Le groupe de survivants qui se réduit au fur et à mesure tandis que l’angoisse monte, c’est Alien, Scream, Carpenter, King, Romero… Des références que j’ai d’ailleurs discrètement glissées ça et là dans le roman. Faire peur aux lecteurs après avoir eu peur moi-même, cela me semblait un bon point de départ pour un thriller.

Dans l'œil de Caine, nous découvrons tout un champ lexical relatif aux diable et démons. C'est une ambiance particulière qui s'en échappe alors et qui cerne le lecteur. Vous travaillez beaucoup sur ces artifices littéraires?
Bien sûr. Le sens du détail est essentiel dans ce genre de roman, tant pour créer l’ambiance, que pour envoyer des « messages » au lecteur. Tout est une question de jeu. Je peux chercher à vous guider vers l’issue que j’ai prévue, vouloir au contraire vous induire en erreur, ou simplement faire éprouver quelques frissons. Mais rien n’est laissé au hasard.

Pour ce premier roman, tu as également reçues des récompenses qui sont des prix décernés par des lecteurs (Prix des lecteurs polar Livre de Poche, Prix des limbes Pourpres notamment). C'est important pour toi? Pour un premier roman, recevoir ainsi des prix, c'est une pression pour le suivant?
Les prix décernés par les lecteurs sont les plus importants. Je travaille pour mes lecteurs, et mon unique objectif est de leur fournir le meilleur divertissement possible. Si j’arrive à faire en sorte que vous vous évadiez quelques heures en ma compagnie, alors c’est gagné. Obtenir votre reconnaissance est la plus belle des récompenses. La pression qui en découle est très forte, bien sûr, mais c’est un excellent moteur pour me pousser à faire toujours mieux.

Expliquez-nous qui est Paul Becker?
Un personnage pas si éloigné que ça :-))

Ce roman est une fuite en avant constante qui ramène le personnage principal paradoxalement en arrière, vers son passé. Une course contre le temps. Pour un auteur, le but d'un tel roman est de contrôler totalement le lecteur et de lui faire découvrir ce qu'il veut, et rien de plus. Comment une telle intrigue se construit au préalable?
Avec beaucoup de patience, de crayons et de feuilles A4.
Je construis les grandes lignes de mon scénario à l’avance, puis je creuse la psychologie des personnages dans le moindre détail. Quand ces derniers sont devenus « réels » au point d’exister, je les lâche dans l’histoire et je les regarde évoluer. Alors, tout peut changer. J’aime à croire que c’est là que l’écriture s’arrête et que la magie commence…

Dans ce second roman, on retrouve un thème commun avec le premier: l'amitié et son importance en cas d'abandon des autres repères (maternel pour l'œil… et conjugaux pour Monster). Un choix délibéré ou une coïncidence?
Délibéré. L’amitié et l’amour, aussi curieux que cela paraisse, constituent le cœur, le véritable « moteur » de mes thrillers. Pour moi, une bonne histoire est toujours articulée autour d’une relation forte entre deux personnages. Deux amis. Un père, un fils. Un homme, une femme. Un tueur et son adversaire. Leur relation sera trouble et pleine de conflits, mais au-delà, c’est toujours d’émotion dont il est question.

Je vais être franc, la façon d'impliquer le lecteur à la fin est scotchant avec ce système d'appel automatique. Il y a également des anecdotes comme cette étude scientifique pour prouver l'effet curatif ou non de la prière. Vous tombez sur ces histoires et les intégrez, vous les recherchez dans cette optique? Et pour le final?
Je fais beaucoup de recherches préparatoires. Je me promène à l’étranger durant des semaines, caméra numérique au poing, magnéto dans la poche et plusieurs appareils photos autour du cou. J’engrange des tonnes de témoignages et de documents que je fourre dans mes sacs, sacoches, valises, partout. En général je ne tarde pas à ressembler à Tintin Reporter, ce qui fait beaucoup rire ma femme et mes enfants. Tout ça pour dire que je déniche toutes sortes d’histoires dont je remonte le fil, au gré des rencontres et des envies. Parfois ces pistes me conduisent quelque part et l’histoire termine dans un livre. Parfois non. Mais la plupart du temps, tout ce que je décris est vrai. Les lieux, les anecdotes, les évènements - et parfois les gens eux-mêmes – sont souvent directement tirés de la réalité. Seule l’intrigue, la mise en scène des différentes pièces du puzzle, est inventée. On peut en trouver quelques exemples sur mon site web…

La référence à l'œil de Caine est précise, et sans amibiguité. Le personnage de Cameron Cole est le même. Monster une préquelle de l'oeil de Caine?
D'autres personnages seront-ils ainsi repris?

Oui, Monster est une sorte de préquelle de l’œil de Caine. Et sans parler de « suites », il y a de grandes chances pour que vous croisiez d’autres personnages de mes précédents romans dans les histoires à venir. Cela fait partie des clins d’œil au lecteur…

Quels sont vos projets?
Je travaille à mon troisième livre depuis plusieurs mois déjà. La sortie est prévue l’année prochaine.

On sait que le cinéma aime de plus en plus piocher des histoires dans des médias déjà existants. Et vos œuvres sont très visuelles, est-ce que l'on s'est rapproché de vous dans cette optique?
Et le cas échéant, vous seriez partant?

L’œil de Caine a été acheté par une production Franco-Américaine dès sa sortie. Pour Monster, nous avons des touches, mais rien ne presse. Quelques livres sont optionnés par le cinéma, certains – rares - seront portés à l’écran, et une infime poignée d’entre eux donnera un bon film. Il ne faut pas y penser. Mon travail, c’est l’écriture. Si une équipe sérieuse et motivée me demande un jour de travailler à l’adaptation de l’un de mes romans, on verra.

Quels sont vos derniers coups de cœurs?
La saison 1 de la série TV Californication et la saison 1 de Dexter. Quand un auteur a pondu ça, il peut dormir heureux…

Si je vous laisse carte blanche comme je l'ai déjà fait avec Marin Ledun ou Alec Covin, votre choix se porte sur quel roman?
Disparu à jamais, par Harlan Coben.

La dernière question est un rituel: Qu'est ce que l'Art de Lire selon vous?
Un excellent site web, quelle question !


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